Je profite d'un moment de libre entre deux rendez-vous pour enfin me pencher sur cet article que je devais rédiger depuis plusieurs mois.
Il s'agit là d'un sujet qui me tient particulièrement à cœur, tant sur le plan personnel que professionnel. Pourquoi? Parce que la plupart du temps, les patients que je reçois ont été invalidés émotionnellement et en souffrent, consciemment ou non.
Mais qu'est donc l'invalidation émotionnelle?
L'invalidation émotionnelle est "tout simplement" le fait de... ne pas valider les émotions (qu'il s'agisse des nôtres ou celles d'autres personnes).
Bon, OK, peut-être faudrait-il parler de validation émotionnelle et d'empathie, avant de parler d'invalidation émotionnelle et de positivité toxique...
Tout d'abord, voyons la différence entre empathie, sympathie et compassion.
Donc, si quelqu'un ne va pas bien (et est au fond du trou), la sympathie dirait "ATTENDS, JE VIENS T'AIDER" et sauterait dans le trou aussi... Sauf que... La sympathie se retrouverait coincée aussi et cela n'aiderait pas tout le monde.
La compassion dirait "ohlala, mon pauvre, ça doit vraiment pas être facile d'être coincé". Pareil, ce n'aiderait pas réellement.
L'empathie verrait le problème rencontré par l'autre personne, et chercherait une solution pour l'aider, sans pour autant s'y jeter à corps perdu.
Mais quel lien avec la validation émotionnelle?
Eh bien, tout simplement, la validation émotionnelle, c'est faire preuve d'empathie face à des émotions. Et par là, on entend valider les émotions de l'autre personne (ou de soi-même), entendre que ces émotions existent et leur permettre d'exister.
Lorsque quelqu'un manifeste de la tristesse ou de l'anxiété, par exemple, on pourrait tout simplement dire "je vois que tu es triste/anxieux", "je peux comprendre que tu te sentes triste face à cela".
Mais attention, valider les émotions ne veut pas dire accepter tous les comportements.
Face à quelqu'un qui est en colère, nous pouvons valider son émotion, donc sa colère, mais nous n'avons pas à accepter de nous faire insulter ou frapper. Valider la colère serait par exemple "je vois bien que cela te met en colère" ou encore "je peux comprendre que mon refus te frustre et puisse te mettre en colère". Et nous pouvons rajouter face à des comportements violents (physiquement ou verbalement), "et en même temps je n'accepte pas que tu me parles comme ça/que tu me frappes/que tu casses des choses".
Les émotions ont besoin d'être validées pour être acceptées, pour pouvoir diminuer. Car souvent, lorsqu'on invalide quelqu'un d'autre (ou soi-même), les émotions ont plutôt tendance à prendre de l'ampleur.
Imaginez que vous vous sentez anxieux, car vous êtes dans une situation incertaine, et qu'on vous dise "mais non, ça ne sert à rien d'être anxieux!", comment vous sentiriez-vous? Vous sentiriez-vous moins anxieux, ou au contraire, plus anxieux et en plus agacé/énervé?
Eh bien, ce genre de commentaires, c'est ça la positivité toxique!
Liste non-exhaustive d'exemples: "Ne t'inquiète pas, tout va bien se passer", "mais non, ce n'est pas la peine de [ressentir X émotion: être triste, avoir peur]", "vois le bon côté des choses!", "arrête d'être négatif" et le fameux:
Il y a quelques années, un courant de la psychologie est né : la psychologie positive. Sauf que bien sûr, biais cognitifs obligent, nous sommes allés vers l'extrême: la positivité est devenue toxique.
La positivité devient toxique à partir du moment où nous nous mettons à nier la présence et/ou l'impact d'éléments, d'émotions à valence négative. Car oui, nous ne voulions plus nous sentir mal, et nous avons décidé de ne voir que le positif. Et vous finissez par vous sentir coupable si vous ressentez des émotions "négatives". Vous pouvez même aller jusqu'à sourire et paraitre de bonne humeur, alors que lorsque vous vous retrouvez seul.e devant votre miroir, vous vous effondrez. D'ailleurs, vous ne vous retrouvez jamais vraiment seul.e et inoccupé.e, pour ne pas ressentir ces émotions qui font mal.
Parfois, on utilise aussi la positivité toxique avec les autres, car nous ne savons pas comment les aider autrement, nous n'arrivons pas à être empathique. Nous pouvons avoir un complexe du sauveur, où nous voulons aider l'autre, et où on lui fournit des conseils (pas toujours avisés et/ou demandés). Sauf que l'autre ne souhaitait peut-être que de l'écoute et non pas des solutions.
A terme, ne pas faire face à ce qui nous fait du mal, cela peut entrainer des syndromes anxio-dépressifs. Et, par exemple, lorsqu'on élève un enfant dans un climat d'invalidation, il peut finir par se renfermer sur lui-même, avoir des difficultés à reconnaitre, exprimer ses émotions et besoins, poser des limites, et il finira par s'invalider lui-même.
Beaucoup de patients que je reçois n'ont pas grandi dans un environnement validant (~👋 coucou les Violences Educatives Ordinaires~). Et soyons honnêtes, la société n'est pas très validante non plus... Et cela a conduit à une invalidation de leurs émotions, une perte de confiance en eux, etc.
Aussi, pour conclure cet article, il est important de réussir à valider ses émotions, déjà pour se sentir mieux avec soi, mais également pour être plus disposé.e à valider les émotions des autres. La Communication NonViolente (CNV) de Marshall Rosenberg est un outil intéressant pour apprendre cela. Je reste persuadée que si nous arrivons à valider les émotions des uns et des autres (et les nôtres), nous pourrions réduire un certain nombre de problèmes psychiques (#psychotrauma). N'hésitez pas si certaines choses ne sont pas claires à poser des questions en commentaire ou par message!
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